C’est l’histoire d’une femme et d’une étape. D’un virage de vie, d’un chemin glissant que l’on ne veut pas emprunter.
Depuis plusieurs mois, chaque moment passé avec cette femme est un voyage dans le temps. Ses récits s’apparentent à des contes plus ou moins joyeux. Elle raconte tellement bien ses histoires que vous pouvez presque sentir les odeurs, voir les traits des personnages, vivre pleinement la scène. Puis, elle me parle de ses chais à Cognac et à Sauternes, de l’Occupation, de la guerre, de la rue du Mirail, de sa famille… 

Ensuite, elle me décrit des scènes de tortures, le goût du Cognac qu’elle distille, son éducation à la campagne avec les bêtes, les lectures qu’elle adorait… Chaque moment vécu auprès d’elle est un moment de richesse. C’est une femme forte, courageuse, puissante, douce, derrière ses airs qui peuvent parfois sembler hautains.

Arrive ce moment de bascule, tel un coup de vent brutal, tellement rapide, il l’harponne sur son passage, et l’entraîne vers un chemin sans retour. Elle se met à divaguer, à se mettre en danger, à se cacher dans le noir dans les toilettes, et bien-sûr, ne s’en rend absolument pas compte. Alors pour sa propre protection, elle vit désormais en unité protégée en sous-sol. 

Lors de nos rendez-vous, pour ne pas l’effrayer, je la suis dans la folie de ses mots, de ses propos, de ses récits toujours aussi bien racontés, afin de la faire se sentir en sécurité, écoutée et entourée. Lorsque je la raccompagne au sous-sol, elle passe devant son ancienne chambre, la reconnaît, mais il faut redescendre . Elle est réticente, je le sens. Parfois ca passe, parfois ça casse : 
“ Je sais bien que vous allez m’amener chez les fous.” Mon silence est pire que des mots. D’autant plus qu’elle ne l’est absolument pas. Je fuis son regard accusateur et nous descendons.

Peu de mots pour conclure, si ce n’est de profiter de chaque instant que la vie souhaite nous offrir. 

EM.