Mon pacha, je l’adore.

J’adore la voir avachie sur son fauteuil, s’assoupir, s’endormir pendant mes soins, apprécier ce moment. Elle se détend, s’apaise, elle est bien.

Cela fait plusieurs mois que je prends soin d’elle avec le plus grand plaisir. Elle parle de ses vies. Sa jeunesse dans le nord-est, son mariage avec un militaire, sa peur bleue de l’avion alors que son époux est aviateur, de l’Occupation, de la guerre en Algérie, de son travail, de son ancien chef, célèbre Maire qui souhaite l’amener aux Calanques de Marseille (où elle n’ira finalement jamais). Elle me parle de son fils, de sa belle-fille, de l’Auvergne.

Un jour elle me dit : 

« Je cherche mon mari, vous savez où il est ? 
_ Non, je demanderai à mes collègues.
_ On me dit qu’il est en bas. »

A la fin de mon intervention je me rapproche d’une collègue et lui demande. 

« Il est en bas, il a le COVID. »

 

Quelques semaines plus tard, j’apprends qu’il n’a pas survécu et que sa femme n’a pas pu ni lui dire au revoir, ni être auprès de lui dans les derniers instants.

Le rendez-vous suivant, elle me dit : 

« Vous avez vu mon mari, je le cherche partout je ne le trouve pas. « 

Que répondre ? 

« Non, je demanderai aux soignants… »

Et à chaque séance, la même question revient. Et à chaque séance, je nie la réalité de lui rappeler que son époux n’est plus de ce monde, ne pourra plus la toucher, lui parler, lui sourire. 

Alors, je la masse, je prends soin d’elle. Je dépasse largement le temps imparti, car la voyant apaisée et détendue tel un pacha, je me dis qu’elle est bien, que c’est son moment à elle et j’aimerai vraiment qu’il soit éternel.
EM.

 

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